14 septembre 2011

[L'Union - Yves Klein] Funérailles en latin / L'Eglise lui refuse sa dernière messe

SOURCE - L'Union - Yves Klein - 14 septembre 2011

À 3h20, le téléphone a sonné. Noël Grégoire s'est arraché au sommeil avec à l'autre bout de la nuit la voix de l'hôpital qui lui annonçait le décès de sa mère et, sans doute, qu'il fallait maintenant organiser la suite. C'était un vendredi, la semaine dernière. Jusque-là, triste mais banal. « On a appelé les uns et les autres. Mon frère du côté de Tarbes, ma sœur ici, l'autre près de Vendôme. J'ai commencé à demander des devis aux pompes funèbres le lendemain. »

Quand il raconte ça, Noël, l'ancien ambulancier est dans la pénombre de sa salle de séjour, à Sissonne. Il y a un pot de sucre en poudre sur la table, un cendrier plein, un paquet de « News » à côté. Sous la fenêtre, quelques papiers de la mère. Jeanne avait 83 ans. Elle avait fait un accident vasculaire en début de semaine.

L'Évêché absent

Jeanne Grégoire avait laissé une feuille, rangée dans le tiroir d'une commode de sa maison, à une plaque de celle de son fils Noël. Écriture soignée, en tête majuscule. Un « CECI EST MON TESTAMENT » refermé par une signature discrète, trois ans plus tôt, « le 20 mars 2007 à Sissonne ». Quelques lignes pour demander « des obsèques religieuses selon les rites du missel romain de Saint-Pie V ». Jeanne voulait que son corps soit présent dans l'église, et que « la messe soit suivie de l'absoute et de la sépulture, comme de coutume ».

Ça ne s'est pas passé du tout comme ça. « Mon frère de Tarbes a trouvé un prêtre du prieuré de Prunay. On a demandé à l'abbé Kerjean d'avoir l'église ouverte mais il a refusé. Alors, on a contacté le maire pour savoir si ça ne dérangeait pas que l'office se déroule à l'extérieur. Il nous a donné son accord. »

Ce jour-là, il pleuvait. Une vingtaine de personnes de la famille et une trentaine de la commune ont assisté à la messe célébrée par le prêtre Girod. Le même nom que l'évêque de Soissons mais pas la même orthographe. L'office a été dit en latin et en français, « pour que les gens comprennent. Ça a bien duré une heure et demie ». Noël était abasourdi. Il avait confectionné un panonceau avec une lettre explicative scotchée dessus et à côté, des feuilles en liasse, comme pour une pétition. Rozelyne Rouzé, Monique Lobjeois, la famille Tatin, Micheline Berthe et quelques autres ont écrit que c'était honteux, pas chrétien de laisser dehors une âme qui se voulait dans l'église.

« Quand on nous a appelés, on est tout de suite entré en contact avec le diocèse et l'évêché », commente le prêtre Girod. « J'ai laissé un message le dimanche. Le lundi, j'ai eu quelqu'un, qui ne savait pas quoi répondre… mais jamais on ne nous a rappelés. L'évêché est resté aux abonnés absents. » (*)

En 2007, Benoît XVI a diffusé un texte, le motu proprio. Le latin, ça redevenait possible. Les évêques devaient y veiller et trouver des solutions. Quatre ans et depuis, quoi ? Si c'est le dieu de Jeanne qui l'a rappelée là-haut, il aurait dû savoir que c'était encore trop tôt.

Yves KLEIN
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(*) Le secrétariat et l'assistant de Mgr Giraud, l'évêque du diocèse, ont considéré que le curé de Liesse était « parfaitement à même de répondre à [nos] interrogations ».