14 septembre 2011

[AFP - Pierre Andrieu] Le Vatican tend la main aux intégristes et pose ses conditions

SOURCE - AFP - Pierre Andrieu - 14 septembre 2011

Poursuivant sa politique de la main tendue envers les intégristes lefebvristes, le Vatican a proposé mercredi 14 septembre aux traditionnalistes dissidents une réintégration dans le giron de l'Eglise, à condition qu'ils approuvent un ensemble de principes fondamentaux. En échange, le Saint-Siège se dit prêt à accepter de discuter de certaines formulations du concile Vatican II. Ainsi, le cardinal William Levada, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, a reçu pendant deux heures et demie le supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, Mgr Bernard Fellay, et ses deux assistants, Nikaus Pfluger et Alain-Marc Nély.

Le prélat américain leur a présenté un document de trois pages, approuvé par Benoît XVI, intitulé "Préambule doctrinal", contenant des "principes doctrinaux et des critères d'interprétation de la doctrine catholique", qui n'ont pas été rendus publics. Ce préambule doit être accepté si cette communauté schismatique veut être réintégrée dans l'Eglise catholique, vingt-trois ans après le schisme de 1988.

LA FRATERNITÉ, BIENTÔT UNE "PRÉLATURE PERSONNELLE" DU PAPE ?

Selon le porte-parole du Saint-Siège, le père Federico Lombardi, la Fraternité devra donner sa réponse dans un délai court, de "un à plusieurs mois". L'offre est agrémentée d'une promesse alléchante, même si le Vatican exclut tout marchandage : selon le père Lombardi, la Fraternité pourrait devenir une "prélature personnelle" du pape, comme c'est déjà le cas pour l'Opus Dei. Son supérieur serait nommé par le Saint-Père, et sa juridiction ne s'exercerait pas sur un territoire (diocèse) mais sur des fidèles. Le paradoxe est que cette "prélature personnelle" a été créée par le concile Vatican II (1962-65), cause de tous les maux de l'Eglise selon les intégristes.

Mais le communiqué du Saint-Siège fait aussi apparaître une concession visiblement destinée à amadouer les traditionalistes, pour qui certains textes conciliaires sur la liberté religieuse et l'œcuménisme sont l'œuvre de l'Antéchrist (Satan). Le "Préambule doctrinal" laisse "ouvertes à une légitime discussion l'étude et l'explication théologique d'expressions ou de formulations particulières présentes dans les textes du concile Vatican II et du magistère qui a suivi", selon un communiqué du Vatican.

De quoi inquiéter tous les libéraux de l'Eglise qui craignent que cette phrase recouvre à terme la remise en cause de certains acquis conciliaires, alors que la Fraternité Saint-Pie X se déchaîne notamment contre les rencontres interreligieuses. Interrogé, le père Lombardi, rappelant l'attachement maintes fois exprimé par le pape au concile, a jugé que des éléments de ces documents de Vatican II restent "essentiels" à la doctrine catholique, et ne peuvent donc être mis en discussion.

Le 14 août, à l'université d'été de Saint-Malo, Mgr Fellay avait parlé des deux ans de confrontation comme d'un "tournoi où deux chevaliers croisent le fer, s'élancent, mais passent à côté l'un de l'autre". La foi "passe avant une reconnaissance par l'Eglise", avait-il proclamé. "Si nous sommes d'accord sur un point, c'est que sur aucun point nous ne sommes d'accord ! Si leur objectif reste toujours l'acceptation du concile par la Fraternité, les discussions ont été assez claires pour montrer que nous n'avons pas l'intention de nous engager dans cette voie", avait-il ajouté, dénonçant le "venin" des progressistes.

Il avait admis le risque d'une réintégration dans l'Eglise d'un mouvement qui a fait de la protestation sa raison d'être : "Si Rome nous reconnaissait, ce serait encore plus dur que maintenant." Mgr Fellay s'était encore vanté que la Fraternité, fondée par l'évêque français Marcel Lefebvre, ait mené des "croisades" ayant permis ces dernières années d'obtenir du pape l'autorisation de la messe en latin et la levée des excommunications de ses évêques schismatiques.