19 juin 2012

[Paix Liturgique] Le Centre Saint-Paul, ou comment servir la Nouvelle Evangélisation par la Tradition

SOURCE - Paix Liturgique, lettre n°340 - 19 juin 2012

Depuis 2005, un ancien atelier du Sentier, à Paris, sert de lieu aussi improbable que fécond à l’expérience de la tradition mise au service de l’évangélisation. Plus précisément, de ce que Benoît XVI a lui-même défini comme la “ nouvelle évangélisation ”, celle qui est appelée à réveiller la foi des vieilles nations catholiques. À l’origine de ce projet, il y a un prêtre atypique, issu des rangs de la Fraternité Saint-Pie X, l’abbé Guillaume de Tanoüarn. En sa compagnie et celle d’un de ses fidèles, nous avons fait le tour du Centre Saint-Paul, un lieu où liturgie traditionnelle, initiative culturelle et ébullition intellectuelle se conjuguent pour l’amour du Christ. Un lieu dont la vitalité demeure toutefois soigneusement ignorée par le cardinal-archevêque de Paris.

I – PORTRAIT DU CENTRE SAINT-PAUL

Un jour de semaine, en face du café du Croissant à Paris, où fut assassiné Jean Jaurès. Nous retrouvons l’abbé de Tanoüarn à l’issue de sa messe matinale en compagnie d’un de ses fidèles. Bien sûr, nous connaissions l’abbé de Tanoüarn et suivions son parcours singulier, aussi bien théologique que philosophique. Mais nous n’avions jamais prêté véritablement attention à l’apostolat qu’il accomplit depuis bientôt sept ans, date de son départ de la Fraternité Saint-Pie X, au Centre Saint-Paul (CSP).

Nous savions qu’il a été en 2006 parmi les fondateurs de l’Institut du Bon Pasteur (IBP), institut Ecclesia Dei fortement voulu par le cardinal Castrillón pour accueillir des prêtres de la Fraternité désireux de revenir à la pleine communion avec Rome. Nous savions aussi que l’IBP est une jeune réalité composite, soumise de ce fait à de nombreux soubresauts et crises de croissance et récemment objet d’une visite canonique conduite par le cardinal-archevêque de Bordeaux, Mgr Ricard. Mais ce n’est pas le rôle de Paix Liturgique que de prendre position dans les affaires internes aux communautés religieuses amies, ni entre elles. Non, ce que nous souhaitons aujourd’hui c’est comprendre l’action menée au Centre Saint-Paul, en mesurer l’ampleur et savoir comment elle s’inscrit dans le paysage diocésain parisien dont nous savons à quel point il est d’ordinaire fermé à l’expérience de la tradition.

Avant tout, “ Pourquoi Saint-Paul ? ” demandons-nous à l’abbé de Tanoüarn.
“ D’abord, nous répond-il, parce que saint Paul est le missionnaire par excellence et que je voulais ouvrir un centre à vocation missionnaire ; il ne faut pas se contenter du public estampillé tradi, qui est de moins en moins militant, et aller chercher des ressources ailleurs. Ensuite parce que je suis particulièrement sensible à une théologie qui est celle de saint Paul, de saint Augustin et de Pascal, théologie fondée sur le péché originel et sur la grâce sanctifiante (Rom. 5 8) ; théologie du salut que l’on ne prêche plus aujourd’hui au risque de vider les églises. Enfin parce qu’il y a dans saint Paul non une spiritualité particulière mais l’universalité des commencements. ”

La vocation missionnaire du Centre Saint-Paul est exprimée en premier lieu par son emplacement, rue Saint-Joseph, au cœur du Sentier : un quartier à la fois très actif en semaine, donc ouvert sur le monde du travail, et suffisamment bien desservi par le métro pour permettre aux fidèles de venir le dimanche. Un lieu qui est aussi suffisamment éloigné du Quartier Latin pour ne pas apparaître comme concurrent ou parasite de Saint-Nicolas-du-Chardonnet dont l’abbé de Tanoüarn avait été le vicaire pendant plus de dix ans.

Concrètement, le Centre Saint-Paul, représente 400 m2 répartis sur quatre niveaux rue Saint-Joseph, l’une des rues caractéristiques du quartier du Sentier où l’activité déclinante des marchands de tissu libère depuis une dizaine d’années des locaux de caractère à bon marché mais souvent biscornus. Et le CSP, dont la générosité des fidèles couvre le loyer, est de ceux là.

De plain-pied sur la rue, la chapelle est une grande salle à piliers massifs qui ne favorisent guère la vision de l’autel par les fidèles d’autant plus qu’un escalier moderne s’élève sur la gauche vers les étages supérieurs. Elle sert aussi de grande salle de conférence. Au premier se trouvent les salles de cours et les bureaux des prêtres. Au second, les logements. Le sous-sol, lui aussi accessible depuis la chapelle, contient d’anciennes caves voûtées agréables, mais caves quand même, dédiées pour une part aux rangements et pour l’autre aux moments de convivialité du centre.

De trois messes dominicales en 2005, le CSP est passé désormais à cinq célébrations – 9h, 10h, 11h, 12h30 et 19h – assurées par deux ou trois prêtres, l’abbé de Tanoüarn étant assisté en permanence d’un confrère et s’appuyant au coup par coup sur le renfort de prêtres de passage. Résultat, chaque dimanche, le centre attire plus de 300 fidèles avec un fort taux de renouvellement. En semaine, deux messes quotidiennes sont proposées.

À ce programme liturgique dense pour une telle structure, il faut ajouter ce qui fait l’originalité du centre : la catéchèse, en particulier orientée vers le baptême des adultes ; les conférences et débats sur les thèmes les plus divers ; les cours et services destinés à favoriser l’intégration sociale des participants. Bon nombre des fidèles ou des habitués du Centre sont en effet, à l’image de la population parisienne, des célibataires ou des personnes isolées.

“ Avec nos conférences, nos cours de rattrapage et d’apprentissage professionnels, nous souhaitons permettre aux gens, et notamment aux travailleurs isolés, de rencontrer la tradition sociale de l’Église ”, explique l’abbé. Offrir à tout un chacun un accès quotidien à la messe, à la spiritualité et à la culture catholiques, voilà en quelques mots le défi relevé depuis sept ans dans les locaux improbables de la rue Saint-Joseph.

Le commentaire qui vient à l’issue de la visite des lieux, c’est Willy, le fidèle qui accompagne l’abbé, qui le formule : “ L’endroit est étroit et peu commode alors que tant de chapelles parisiennes sont vides... ”

Parlons donc de Willy, combien symbolique de l’œuvre accomplie au Centre Saint-Paul. Parisien du faubourg Saint-Antoine, c’est un jeune catholique en dépit de ses 80 ans. Il a en effet été baptisé seulement en 2009, à Pâques, au CSP évidemment. Une conversion qui nous intrigue et que Willy raconte avec simplicité et malice : “ J’ai des amis en Provence, non loin du Barroux, qui ont d’ordinaire un pain extraordinaire. À chaque fois que je les félicitais, ils me disaient que c’était le pain que faisaient des moines des environs, précisant aussitôt : « ils font du bon pain mais sont de mauvais curés ». Comprenant que ce qui leur était reproché c’était d’être trop traditionnels, cela a fini par aiguiser ma curiosité et me conduire à découvrir Le Barroux. J’y fis une première visite… puis une retraite qui en appela une autre jusqu’à ce que je manifeste aux moines mon désir de me faire baptiser. Et ce sont eux qui m’indiquèrent alors l’existence du Centre Saint-Paul. ”

Pour Willy, qui n’avait aucune connaissance de la liturgie catholique, le culte traditionnel a été comme une évidence tant il lui paraît “ juste ”. Ensuite, passant de l’écrin protégé du Barroux à l’inconfort du Centre Saint-Paul, il avoue avoir ressenti “ de la colère en découvrant les conditions du culte ”. Jusqu’à se convaincre que ce n’étaient, ni plus ni moins, que “ le dénuement de la naissance du Christ dans l’étable de Bethléem ”. Sans illusion sur une éventuelle prise en compte du CSP par les autorités ecclésiastiques parisiennes, Willy souhaite toutefois que le diocèse accorde un minimum d’attention fraternelle à ses fidèles et à ses prêtres car, à ses yeux, il ne fait aucun doute qu’il y aurait “ encore plus de fidèles si le lieu de culte était approprié… mais c'est peut-être ce que craignent certains ? ”.

En cela, il rejoint l’abbé de Tanoüarn qui nous confie avoir demandé à l’archevêché la mise à disposition d’un créneau horaire dans une église le dimanche soir pour célébrer et évangéliser. Nous précisant que le Motu Proprio a changé les relations avec le clergé, il nous assure que des curés parisiens seraient prêts à offrir un espace au Centre Saint-Paul sous réserve d’un blanc-seing épiscopal. Pour illustrer l’évolution des relations entre clergé Summorum Pontificum et clergé diocésain, il témoigne que la célébration ponctuelle de la liturgie traditionnelle à l’occasion de baptêmes, de messes anniversaires ou de mariages, ne pose plus que très rarement problème dans les paroisses.

De son côté, l’abbé de Tanoüarn n’hésite pas à manifester sa communion avec son évêque et sa fidélité à Benoît XVI en assistant, depuis 2007, à la messe chrismale : “ Le pape nous a donné le cadre théologique d’une véritable paix de l’Église. Il faut être fidèle à ce cadre sans tricher ” explique-t-il. Seul un engagement sincère et humble, ce qui ne veut pas dire naïf et soumis, contribuera selon lui à “ inventer la suite du traditionalisme résistant ” pour donner naissance “ aux tradis de la Nouvelle Évangélisation ”. “ Notre désir, notre défi, conclut-il, c’est de montrer que la liturgie traditionnelle est missionnaire et peut servir la réévangélisation. ”

II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE

1)  Il y a dans l’histoire du Centre Saint-Paul une coïncidence que ne manque pas de souligner son fondateur: celui-ci est né simultanément au pontificat de Benoît XVI. Lors du sermon de la messe inaugurale du centre, le 1er mai 2005, fête de saint Joseph Artisan, l’abbé de Tanoüarn avait défini cette concomitance comme un “ intersigne où la Providence se manifeste ”. Un pape prénommé Joseph, une chapelle située rue Saint-Joseph, placée sous le patronage de saint Joseph et inaugurée un jour dédié à saint Joseph... oui, la Providence fait bien les choses. Elle les fait même si bien que c’est précisément à saint Paul que le nouveau pape dédiera la première des années jubilaires de son pontificat !

2)  Incontestablement, le sort du Centre Saint-Paul témoigne du manque de générosité avec laquelle sont traités, à Paris mais pas seulement, les fidèles et les prêtres revenant à Rome. En ces temps de réconciliation entre Rome et Écône, dont nous nous réjouissons, il est utile de rappeler nos pasteurs au premier de leurs devoirs : la charité envers les âmes qui leur sont confiées.

3)  Pour expliquer, lors du premier sermon prononcé au Centre Saint-Paul, le double patronage de saint Joseph – le gardien – et de saint Paul – l’évangélisateur –, l’abbé de Tanoüarn a eu cette phrase : “ Pas de diffusion sans conservation, sinon nous serions dupes de nous mêmes. ” Une devise qui pourrait parfaitement s’appliquer au pontificat de Benoît XVI...

4)  Alors que certains prélats français, à commencer par le cardinal-archevêque de Paris, continuent à classer les fidèles selon leur couleur liturgique ou politique, il faut saluer le courage de l’abbé de Tanoüarn d’oser proposer une approche tout à la fois spirituelle, culturelle et liturgique de la Foi. Comme l’écrivait notre confrère Christophe Saint-Placide en février dernier pour Riposte catholique : “ C’était un pari osé, car si pour beaucoup la culture ressemble à la confiture qu’on étale à la mesure de son ignorance, pour les catholiques, c’est souvent la terre inconnue sur laquelle il faut impérativement éviter de mettre les pieds : l’humain y est trop présent, dans toute son étendue. Avec tous ses défauts, l’abbé de Tanoüarn a décidé, lui, d’y camper bien résolument. ”

Et, à en croire les témoignages de fidèles du CSP, le pari est gagné : “ Le Centre Saint-Paul est un lieu de sauvegarde de la liberté d’esprit. Il est aussi un lieu de charité où, enfin, des tradis ne brandissent pas leur drapeau avec hargne ni n’invectivent ni ne bannissent personne. C’est pourquoi beaucoup y ont trouvé LEUR lieu, ce lieu où l’on a le droit de PENSER sans tous les diktats modernistes… ou intégristes. ”

5)  Aider le Centre Saint-Paul c’est, comme le proclame son site Internet, à la fois utile, déductible, et facile. Il suffit pour cela d’envoyer votre don à l’ordre de l’ADCC (Association de Diffusion de la Culture Chrétienne), 12 rue Saint-Joseph, 75002 Paris. Association d’intérêt général dont l’objet est de diffuser la culture chrétienne, sous toutes ses formes – liturgie, philosophie, théologie, catéchisme – l’ADCC vous adressera en retour un reçu fiscal.

Centre Saint-Paul
 
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Tél : 01.40.26.41.78