22 février 2014

[Dom Pateau, Père abbé de Fontgombault]

SOURCE - Dom Pateau, Père abbé de Fontgombault - via le Salon Beige - 22 février 2014

Cher habitant de Fontgombault, cher ami, chère amie,

Depuis quelques semaines, notre village a perdu quelque peu de son calme habituel. Vous-même avez peut-être été contacté par quelques « indignés » afin de signer une pétition ou encore avez-vous rencontré des journalistes de la presse écrite ou de la télévision ?

Les moines en quête de la paix avec Dieu ne sont pas indifférents à la paix entre les hommes. Jusqu’à maintenant ils n’ont pratiquement pas réagi publiquement.

Récemment cependant, dix moines de l’abbaye envoyés à l’abbaye Saint-Paul de Wisques dans le Pas-de-Calais ont été radiés des listes électorales à la demande de neuf indignés et par décision du tribunal de Châteauroux.

A ce sujet, je crois devoir vous fournir quelques précisions.

La décision d’aider le monastère de Wisques a été prise au cours d’un vote à bulletins secrets du chapitre de l’abbaye au cours de l’année 2013. La majorité des 2/3 des voix ayant été largement obtenue, le projet de reprendre Wisques a été adopté sans pour autant que le nom des moines envoyés et leur nombre aient été arrêtés. Ces éléments peuvent donc évoluer tant que la situation de chacun des moines envoyés n’est pas solidement établie.

Ces moines ont généreusement accepté de quitter Fontgombault à ma demande.

L’envoi d’un moine dépend en effet de la décision du supérieur monastique, qui peut d’ailleurs tout autant le rappeler à son monastère d’origine comme dans le cas d’un moine qui ne pourrait s’adapter à sa nouvelle résidence, ou si une nécessité quelconque survenait dans le monastère d’origine.

En revanche la décision définitive de se stabiliser dans un nouveau lieu monastique dépend uniquement du moine. Une fois décidé, le moine fait une demande à la nouvelle communauté qui dans un vote secret, accepte ou refuse. Cette demande ne peut avoir lieu qu’au bout d’une période d’un an.

Aucun des moines radiés actuellement partis pour Wisques n’a fait de demande en vue de se stabiliser à Wisques. Tous demeurent donc moines de Fontgombault et jouissent des droits qui sont attachés à cette appartenance.

Soulignons ici le fait que parmi ces moines, deux habitent à Fontgombault depuis 42 ans, un depuis 39 ans, deux depuis environ 33 ans, deux depuis environ 22 ans, deux depuis 16 ans et enfin un depuis 10 ans.

Est-il donc légitime et prudent après seulement deux mois et demi d’absence de leur monastère de chasser des listes électorales de la commune ceux qui y résidaient effectivement depuis au minimum plus de dix ans, sous prétexte de se battre contre des « citoyens qui n'ont pas à voter dans une commune qu'ils n'habitent pas. » ? C’est ce que les « indignés » et le tribunal ont décidé en leur nom et sans même les consulter au préalable ! L’Église est plus prudente, continuant à leur garder une place tant qu’ils n’ont pas fait un choix libre et définitif sur leur lieu de résidence.

Je ne suis d’ailleurs pas certain que tous les indignés votant à Fontgombault habitent effectivement notre commune ou encore peuvent prétendre à 42 ans de présence en ce lieu comme les plus anciens du groupe des moines radiés. La véritable raison de la radiation serait peut-être à chercher ailleurs...

Les moines radiés ne sont pas indifférents à cette décision et s’indignant à leur tour d’avoir été traités de la sorte ont déjà fait perdre aux «indignés» de Fontgombault le monopole de l’indignation !

Michel Navion, avocat des « indignés », résumant le jugement du tribunal disait : « cette affaire interroge sur le point de savoir, s'agissant de communautés religieuses, sectes et groupements divers, quel crédit accorder aux certificats de présence délivrés [...] par un supérieur, gourou ou autre autorité en vue d'inscrire sur les listes électorales les membres de sa communauté.»

A ceci, nous devons répondre que, s’inscrire dans telle ou telle commune ne dépend pas du supérieur de la communauté mais du moine. L’Église en l’occurrence respecte davantage la liberté individuelle de chacun ainsi que la réalité de sa situation. Les gourous ne sont pas nécessairement où l’on croit...

Deux moines actuellement à Wisques ont été inscrits sur les listes électorales de cette commune. L’un d’entre eux est le supérieur de la communauté de Wisques et fait juridiquement partie de la communauté de Wisques en raison de sa charge. Il semblait cohérent qu’il prenne également place de suite au sein de la commune. Le second, ayant fait des séjours prolongés à Wisques depuis plus d’un an, a été sollicité par le maire sortant afin de devenir membre du futur conseil municipal, s’il est élu.

Nous avons été sensibles en lisant la presse à l’affirmation de certains indignés qui se défendent d’avoir voulu se battre contre l’abbaye : « On ne s'est pas battus contre l'abbaye ou l'Église » Pourtant, les faits sont là : acharnement de la presse autour du monastère, accusation devant la justice, amalgame avec les sectes, les gourous, pour reprendre les termes de leur avocat... La laÏcité a le dos large.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les moines ne sont pas opposés à une saine laïcité. Une saine laïcité contribue à la paix de la société. Elle évite de déchaîner les passions qui entraînent haine, vengeance, délation... Peut-on croire qu’un pays pourrait vivre dans la paix avec de tels excès ?

En souhaitant, comme la plupart d’entre vous que le calme et cette paix reviennent dans notre commune, je vous assure de ma considération.

Soyez certain qu’en tant que nos plus proches voisins, vous demeurez chaque jour dans la prière des moines ainsi que votre famille.