23 mars 2016

[La Vie] Mgr Fellay : « Le pape François veut nous laisser vivre et survivre »

SOURCE - La Vie - 23 mars 201

Depuis quelques semaines, des membres de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX) ont annoncé un rapprochement « imminent » des Lefebvriste avec Rome. Dans un long entretien paru le 22 mars sur le site d’information de la FSSPX, Mgr Bernard Fellay, qui avait opposé un démenti à ces annonces, estime que les discussions doctrinale « avancent » en effet, même s’il fait part de ses réserves à l’égard du pape François et de la nature réelle des pourparlers.

« Est-ce que l’on avance vraiment ? Je pense que oui, mais c’est très certainement lent », explique Mgr Fellay, chef de file des traditionalistes, qui juge positivement les discussions actuelles avec le Saint-Siège. Celles-ci ont repris après le coup d’arrêt de février 2012, lorsque Mgr Fellay avait refusé de signer le préambule doctrinal proposé par Rome pour sceller la réconciliation, après des discussions doctrinales plus intenses, favorisées par la levée des excommunications de évêques ordonnés par Mgr Lefebvre. Ces pourparlers ont adopté une forme plus souple, donc « pas tout à fait officielle, mais plus qu’officieuse puisque ce sont des évêques qui ont été envoyés par Rome ». « J’estime que cela en vaut la peine », relève l’évêque lefebvriste.

Éviter toute « compromission » reste la priorité de Bernard Fellay. « Evidemment cela nous rend rigides, (…) ce qui rend la chose plus difficile, mais il n’y a pas pour nous de solution facile. » Pour le Supérieur de la FSSPX, la question de fond est désormais la suivante « quelle amplitude, quelle liberté, nous seraient données (…), dans le cas d’une régularisation ? (…) à savoir précisément que nous soyons acceptés tels que nous sommes. »

Pour le supérieur de la FSSPX, la bienveillance des papes Benoît XVI et François a quelque chose de paradoxal. « Le paradoxe d’une volonté d’avancer vers on peut presque dire « Vatican III », dans le pire sens qu’on puisse donner à cette expression, et d’autre part la volonté de dire à la Fraternité : vous êtes les bienvenus. C’est vraiment un paradoxe, presque une volonté d’associer les contraires. »

La FSSPX, "une périphérie"

Mgr Fellay juge cependant les deux derniers papes de manière différents. Chez Benoît XVI, il relève« son côté conservateur, son amour pour l’ancienne liturgie, son respect pour la discipline antérieure dans l’Eglise ». « Chez le pape François, on ne voit pas cet attachement ni à la liturgie, ni à la discipline ancienne, on pourrait même dire : bien au contraire. (…) Une des explications est la perspective du pape François sur tout ce qui est marginalisé, ce qu’il appelle les « périphéries existentielles ». Je ne serais pas étonné qu’il nous considère comme une de ces périphéries auxquelles il donne manifestement sa préférence. »

Mgr Fellay voit aussi chez le pape François « une accusation assez constante contre l’Eglise établie, (…) qui est un reproche fait à l’Eglise d’être auto-satisfaite, une Eglise qui ne cherche plus la brebis égarée. (…) On voit très bien que lorsqu’il dit « pauvreté », il inclut aussi la pauvreté spirituelle, des âmes qui sont dans le péché, qu’il faudrait en sortir, qu’il faudrait reconduire vers le Bon Dieu ». « Et dans cette perspective-là, il voit dans la Fraternité une société très active, – surtout quand on la compare à la situation de l’establishment. » Selon l’évêque lefebvriste, le pape François aurait lu deux fois la biographie de Mgr Lefebvre écrite par Mgr Tissier de Mallerais. « Je pense que cela lui a plu ».

« La Divine Providence se débrouille pour mettre de bonnes pensées chez un pape qui, sur beaucoup de points, nous effraye énormément, estime Mgr Fellay. (…) Cette manière est très surprenante, car il est très clair que le pape François veut nous laisser vivre et survivre. »

Accepter le Concile ?

Mgr Fellay revient longuement aussi sur l’acceptation du Concile Vatican II. Selon lui les questions classiques sur lesquelles on achoppe, qu’il s’agisse de la liberté religieuse, de la collégialité, de l’œcuménisme, de la nouvelle messe, ou même des nouveaux rites des sacrements, sont des questions ouvertes. « Jusqu’ici on a toujours insisté pour dire: vous devez accepter le Concile. » Or,« les documents du Concile sont totalement inégaux, et leur acceptation se fait selon un critère gradué, selon un barème d’obligation, clame Mgr Fellay. Ceux qui, d’une manière totalement erronée, prétendent que ce concile est infaillible, ceux-là obligent à une soumission totale à tout le Concile. Alors si « accepter le Concile » veut dire cela, nous disons que nous n’acceptons pas le Concile. Parce que, précisément, nous nions sa valeur infaillible. »

Mgr Fellay plaide aussi pour la levée de la méfiance mutuelle. « Cette méfiance, il est certain que nous l’avons. Et je pense que l’on peut aussi dire qu’il est certain que Rome l’a par rapport à nous », estime Mgr Fellay, qui salue les occasions (encore trop rares selon lui) où des délégués du Saint-Siège se sont rendus dans des établissements de la FSSPX. Il s’agit, dit-il, de sortir des réunions de bureau et de mieux se connaître.

« Il faut arriver à une confiance minimale, à un climat de sérénité, pour éliminer ces accusations a priori, affirme Mgr Fellay. Cela demande aussi des actes où se manifeste une bonne volonté qui ne soit pas celle de nous détruire. Or, c’est toujours un peu cette idée-là qui est chez nous, (…) répandue d’une manière assez courante: s’ils nous veulent, c’est pour nous étouffer, et éventuellement nous détruire, nous absorber totalement, nous désintégrer. Ce n’est pas une intégration, c’est une désintégration ! Evidemment, tant que cette idée règne, on ne peut s’attendre à rien. »