24 septembre 2016

[Guillaume de Thieulloy - Le Salon Beige] A propos de la "fachosphère" et du "magnat catho"

SOURCE - Guillaume de Thieulloy - Le Salon Beige - 24 septembre 2016

Le quotidien ex maoïste Libération a publié récemment un dossier – avec appel en “une” s'il vous plaît! - sur ce qu'il appelle la « fachosphère ». Le Salon Beige et votre serviteur ont les honneurs douteux de ce dossier, notamment dans un encadré intitulé « Guillaume de Thieulloy : le magnat catho ».

Bien des amis m'ont fait suivre cet encadré. J'ignorais d'ailleurs qu’autant de lecteurs de Libération étaient par ailleurs amis du Salon Beige – à la place de la direction de ce quotidien de la nomenklatura, je m'inquiéterais...

Cet encadré est à la fois charmant et lunaire. Charmant, parce que je pourrais difficilement recevoir davantage de fleurs d'un quotidien d'extrême gauche : « Citizen Kane », « magnat catho », « familier des milieux pro-vie américains »... Mais lunaire parce qu'on me prête des compétences que je n'ai pas (hélas). En particulier, j'aimerais beaucoup être un « magnat », un « Citizen Kane » ou diriger un « lobby “familialiste” en mesure d'influer sur la droite », mais je vois bien que nous n'y sommes pas et que beaucoup de travail nous reste à accomplir pour cela...

Soit dit en passant, il est tout de même assez cocasse que le quotidien “anarcho-bancaire” fasse mine de trembler devant un « magnat catho ». Il n'est pas nécessaire d'être très informé sur la réalité de la presse française pour savoir que la grosse finance n'est pas exactement chez nous...

Ces coups d'encensoir, doublés de jeux puérils du type « fais-moi peur, les “réac” sont aux portes du pouvoir », me laisseraient de marbre s'ils ne contribuaient à accréditer des erreurs manifestes.

La première de ces erreurs tient, bien sûr, à l'usage du terme « fachosphère ». Si le mot avait un sens, il devrait signifier que tous les sites mentionnés dans ce dossier de prétendue investigation, soutiennent la doctrine fasciste. Or, même les plus ignorants en matière d'histoire des idées politiques savent que le fascisme est un nationalisme doublé d'un socialisme. Il se trouve que je ne suis pas nationaliste au sens post-1789 du mot (je suis, comme dit M. Albertini, un « royaliste revendiqué » !), ni, moins encore s’il est possible, un socialiste. Je vois donc mal comment je pourrais être fasciste. Je ne vois pas davantage comment un site internet animé par des laïcs catholiques pourrait l'être. Je ne sais pas ce que la rédaction de Libération connaît des encycliques pontificales, mais nous sommes, quant à nous, des lecteurs et des disciples deMit brenneder Sorge (contre le national-socialisme) et de Non abbiamo bisogno(contre le fascisme) autant que de Divini Redemptoris (contre le communisme). Ces journalistes, à la fois soumis à la haute finance et à l'idéologie marxiste-léniniste, seront peut-être surpris de l'apprendre, mais il est parfaitement possible d'être à la fois anti-fasciste et anti-communiste – et c'est notre cas à nous !

Mais peut-être aussi ces approximations ne tiennent-elles qu'à la souveraine indifférence à la vérité qui marque ce quotidien, patronné naguère par Sartre, le seul philosophe de l'histoire de l'humanité à avoir suggéré de camoufler la vérité (en l'occurrence sur la monstruosité concentrationnaire communiste) pour ne « pas désespérer Billancourt ».

En attendant, je trouve, quant à moi, que Libération a l'amalgame sélectif.On nous intime l'ordre de ne pas pratiquer l'amalgame entre islam et islamisme, sans nous donner le plus petit élément de réflexion sur la condamnation de l'islamisme par l'islam (il est vrai que les prédécesseurs de la rédaction actuelle de Libération nous invitaient déjà avec insistance à “ne pas faire d'amalgame” entre l'excellent marxisme-léninisme et le regrettable accident du stalinisme...). Pour les dissidents, l'amalgame est parfaitement légitime : peu importe qu'il y ait bien peu de liens personnels ou idéologiques entre les différentes chapelles de cette prétendue « fachosphère », nous en sommes tous – c’est une affaire entendue – de zélés zélotes!

Dans ce dossier improbable, notre confrère Pierre Sautarel, de Fdesouche, répond très justement et euphémiquement : « Notre seul point commun, c'est vous, les médias. Votre réaction nous apporte la cohésion idéologique que l'on n'a pas forcément. »

Au demeurant, tant qu'à faire de “l'amalgame”, pourquoi ne pas parler de tous les médias ? Si l'on dit que la « fachosphère » est une « arme d'intoxication massive », il faudrait préciser qu'elle n'arrive pas à la cheville, en ce domaine, de la grosse presse. Ce n'est pas Fdesouche, que je sache, qui titra : « C'est la fête » quand les Khmers rouges prirent Phnom Penh. Ce n'est pas Boris Le Lay qui mit au point la fabuleuse intox des couveuses de Bagdad. Ce n'est pas non plus le Salon Beige qui demanda à la Propaganda Staffell'autorisation de reparaître sous la “bienveillante” tutelle nationale-socialiste… À supposer que nous soyons effectivement des « intoxicateurs », nos merveilleux confrères de la presse aux ordres nous rendraient donc aisément des points !

Ce qui m'a le plus amusé, je dois le confesser, dans l'encadré de Libérationme concernant, c'est cette pique grossière : le Salon Beige serait devenu un « incontournable carrefour » d'une partie des manifestants de La Manif pour Tous « au grand dam de la direction du mouvement, où l'on déplore en privé “le positionnement intégriste, limite FN” du site ». C'est beau comme l'antique...

Naturellement, nous ne saurons rien sur cette « direction du mouvement ». C'est tellement plus facile de “citer” ce genre de petites saletés sans dire de qui elles viennent. Puisque personne n'est nommé, personne ne peut dire non plus que c'est faux. C'est plus commode...

Dominique Albertini m’avait déjà fait le coup, lorsqu'il m'avait interrogé voici plusieurs mois, me demandant ce que je pensais de la direction de LMPT. Comme j'étais un peu éberlué de la question – il me semblait que la lecture la plus superficielle du Salon Beige laissait deviner que nous n'étions pas exactement des adversaires de LMPT ! –, il me “précisa” que certains dirigeants disaient que La Manif pour Tous n'avait rien à voir avec le Salon Beige. Je ne suis pas bien malin, mais cela me semblait un peu trop “téléphoné”. J’imaginais déjà mon interlocuteur enregistrer avec gourmandise une phrase énervée de ma part, qui aurait ensuite pu servir à jouer le même jeu avec Ludovine de La Rochère (sur le thème: écoutez les vacheries que Thieulloy dit sur vous, qu’en pensez-vous...). Est-il besoin de préciser que, si j'avais une divergence avec Ludovine, c'est à elle que j'en parlerais, pas franchement à un journaliste deLibération – auquel je dois avouer que je ne voue pas une confiance illimitée. J'avais donc, à l'époque, botté en touche en disant en substance : J'ignore si la direction de La Manif pour Tous dit qu'elle n'a rien à voir avec le Salon Beige, et j'en doute fort, mais je peux vous dire, en revanche, que le Salon Beige a tout à voir avec La Manif pour Tous!

Pensent-ils vraiment qu'il soit si aisé de nous “amalgamer” avec des gens que nous connaissons à peine et de nous opposer à des amis ? Croient-ils vraiment que nous soyons si bêtes que nous nous déchirions sous leurs yeux, pour leur plus grand plaisir ?

D'ailleurs, vous, amis lecteurs, qui connaissez tout de même un tantinet mieux LMPT et le SB que les journalistes du microcosme parisien, cela vous semble-t-il vraisemblable que quelqu'un, chez nous, parle de « positionnement intégriste, limite FN » ? Évidemment non. Nous savons bien tous ce qui semble mystérieux aux savants experts que les deux sujets sont à des années-lumière – et de plus en plus à mesure que le “lobby catho” au sein du FN est de plus en plus réduit. Peut-être que dans les années 1980, on pouvait effectivement dire quelque chose comme cela : il existait une véritable tendance “catho tradi” au sein du FN. Les deux sphères étaient déjà à cette époque fort distinctes, mais on pouvait à la rigueur comprendre ce genre d'approximation. Aujourd'hui, je conseille à M. Albertini de demander à Mme Montel, eurodéputée FN, ce qu'elle pense du Salon Beige - qui la “tâcla gentiment” sur le « droit inaliénable à l'avortement ». Peut-être pourra-t-il aussi retrouver sur Twitter les déclarations de M. Philippot disant que le Salon Beige était « un torchon d'extrême droite »...

La réalité, c'est que nous avons effectivement des amis au FN et des amis aux LR, mais beaucoup plus encore en dehors de tous les partis!

Je n'ai pas encore lu le livre de Dominique Albertini qui donne l'occasion de ce dossier farfelu, mais j'avoue que ce que j'en vois dans les commentaires médiatiques me laisse craindre une absence inquiétante de sens commun – on me dit que le livre est plus sérieux et plus factuel que ces commentaires loufoques, mais j’attends d’en juger par moi-même.

En tout cas, et en attendant, je répondrai trois choses principales sur ce dossier.Tout d'abord, il n'existe pas, à ma connaissance, d'union des blogosphères alternatives (en tout cas, nous n'en sommes pas membres et n'y avons jamais été invités !). Ensuite, quand bien même cette prétendue « fachosphère » existerait, elle serait à des années-lumière d'avoir la capacité d'influence de France Télévisions, de l'AFP ou du Monde. Or, que je sache, personne, dans la nomenklatura, ne semble s'inquiéter du poids excessif de ces médias dans le débat public. Je rappelle même, au passage, qu’au contraire des blogues dissidents, ces gros médias sont largement financés par nos impôts. Enfin, en admettant que ces blogosphères dissidentes soient effectivement unies et influentes, cette influence ne serait que culturelle et métapolitique, pas encore politique à proprement parler…

Bref, j’avoue que la lecture de ce dossier m’a diverti. Mais j’en retiens une chose, en attendant de lire l’ouvrage que j’espère plus sérieux et plus précis :le développement de la dissidence, diverse, multiple et parfois même contradictoire, notamment sur internet, inquiète l’oligarchie – sans quoi elle ne parlerait pas de nous. Comme disait le président Mao, qui fut davantage maître à penser de bien des journalistes de Libération que des rédacteurs du Salon Beige, « être attaqué par l’ennemi est une bonne chose et non une mauvaise chose ». Si l’oligarchie s’inquiète, c’est que nous sommes sur le bon chemin. Continuons donc. Sans rien lâcher…

Guillaume de Thieulloy
Directeur du Salon beige