3 décembre 2017

[Abbé Xavier Beauvais fsspx - L'Acampado] Vivre c'est agir

SOURCE - Abbé Xavier Beauvais fsspx - L'Acampado - décembre 2017

L’action est un besoin de tous les êtres humains, et c’est pour l’homme, un devoir.
    
Dieu nous a créés pour agir, comme pour penser et pour aimer. C’est par l’action que l’homme conquiert sa personnalité et exerce sur les autres, une profonde influence.
 
Sur le plan social, l’action commande tout. Vivre: c’est agir. Il est donc important d’analyser les principes de l’action.
    
Dans toute action humaine, on trouve 3 éléments essentiels
  • une pensée directrice,
  • une volonté de réalisation,
  • une exécution.
La pensée d’abord, est à l’origine de tout. Elle inspire l’idéal, le but à poursuivre, les moyens d’y parvenir. Il faut penser l’action avant de la réaliser. D'où l’importance des idées claires, du sens réaliste des choses, d’une vue supérieure des hommes et des événements. La pensée est donc directrice de l’action.
    
Mais la pensée ne suffit pas. Il faut vouloir. Ce rôle de la volonté est capital, car elle seule, s’attache avec obstination au but entrevu et déclenche tout le mouvement des facultés d’exécution. L’homme d’action est puissant s’il a en lui une force de volonté.
    
Enfin, il doit posséder quelques qualités pratiques, d’organisation, du savoir-faire, savoir utiliser les
circonstances, tout cela est requis pour une bonne exécution de l’œuvre pensée et voulue. Donc trois
éléments constituent l’action : savoir, vouloir, pouvoir.
    
Or, on retrouve ces trois mêmes éléments sur le plan surnaturel. Saint Paul, un des hommes d’action les plus puissants de tous les temps -il suffit de voir le récit de ses voyages apostoliques- a posé les principes de base d’une véritable mystique de l’action
   
« La foi qui travaille sous l’impulsion de l’amour de Dieu ».    
    
Chez le chrétien, la foi trace l’idéal et, par l’intermédiaire de la vertu de prudence, précise les moyens pratiques de réalisation.
    
L’action du chrétien se déploie sous la lumière de l’Evangile, face à Dieu.
   
Ce n’est pas un monde humain que l’Evangile nous demande de bâtir, mais la cité de Dieu.
   
La foi nous révèle la splendeur de cette cité de Dieu, elle nous en découvre les matériaux.
   
Il ne s’agit pas de conception purement temporelle. L’intelligence chrétienne se meut dans l’invisible et elle saisit, par-delà les apparences, tout un univers supérieur, éternel et divin.
   
Il appartient à la foi de nous révéler et de découvrir les moyens de réalisation. Le laïcisme a voulu reléguer l’Eglise dans sa sacristie. Le catholicisme, à l’invitation de Notre Seigneur nous invite à aller évangéliser toutes les nations, c’est-à-dire nous invite à tout pénétrer, à tout restaurer dans le Christ, c’est-à-dire à rendre à l’intelligence moderne le sens de Dieu, que ce soit dans l’art, dans la politique, dans la pédagogie, etc.
   
Un second principe commande l’action du chrétien : l’amour. La foi doit s’épanouir dans la charité. Rien de grand ne se fait sans amour. Les résolutions héroïques ont toujours jailli du cœur. La première qualité d’un homme d’action est une volonté ardente de servir, qui le pousse, à l’oubli de soi, au service des autres.
   
La volonté de l’homme d’action doit rester inflexible. Le chrétien n’est pas un être «dévirilisé», lui qui appartient à une Eglise de martyrs, donc, plus que jamais le monde actuel attend de lui un christianisme de choc.
   
La volonté de l’homme d’action doit demeurer confiante.
    
Rien n’est dissolvant comme le pessimisme. La pusillanimité paralyse l’action. Un chrétien va toujours de l’avant, confiant en Dieu.
    
Qu’importent les difficultés, les combats, les échecs?
    
Que pouvons-nous craindre ? Dieu est avec nous, Jésus-Christ est avec nous. Nous disposons, par la prière, de la Toute -Puissance de Dieu. Nous savons que les forces du mal ne prévaudront jamais contre l’Eglise.
   
«Ayez confiance, dit Notre Seigneur, j’ai vaincu le monde».
     
Enfin, notre volonté, engagée dans l’action, doit se montrer persévérante. On ne devient pas saint en 8 jours. Les œuvres de Dieu exigent le labeur de toute une vie, et rien n’aboutit sans effort continu.
   
«Victoire égale volonté» disait le Maréchal Foch. Et quel incomparable modèle de force chrétienne nous fournit une sainte Jeanne d’Arc, dont la mission consiste à sauver un pays envahi par l’ennemi, divisé et ruiné. Elle va de l’avant :
    
«Nous bataillerons et Dieu donnera la victoire».
    
La force persévérante chez un homme d’action peut beaucoup.
    
Si la foi dirige l’action, si l’amour inspire l’action, il reste à la réaliser. L’action exige le don de soi.
    
L’efficacité pratique dépend de multiples facteurs, les uns extérieurs, souvent indépendants de nous, les autres mesurés par nos possibilités personnelles. Nous ne pouvons pas tous accomplir la même tâche. Il faut consulter loyalement nos forces, prendre conscience de nos aptitudes et de nos limites.
   
A chacun sa place. Dieu distribue ses dons comme Il lui plait, en vue du bien de tous. Mais il dépend de nous de les faire fructifier, comme nous le rappelle la parabole des talents.
   
Il faut savoir aussi, unir nos efforts pour accomplir une œuvre commune. Unir nos efforts, par exemple, dans cette crise de l’Eglise, à ceux qui vraiment mènent le même combat.
    
Voilà exposés les principes d’action. Mais ces mêmes principes d’action en signalent les possibilités de déviation, dans l’intelligence, dans la volonté, dans l’exécution.
    
Sur le plan surnaturel, le premier danger qui la guette, c’est le manque d’esprit de foi que l’incrédulité
du monde moderne nous fait respirer. Il y a là pour notre intelligence de catholiques, un grand danger de déviation dans nos jugements. Nous risquons de ne plus savoir apprécier les personnes et les évènements à la pure lumière de la foi.
    
C’est la disparition du sens chrétien. Par suite, notre activité n’a plus le sens de l’éternel et du divin. On se traîne dans un naturalisme pratique.
    
Un autre écueil nous menace : le manque de formation, le manque de connaissances religieuses qui
pourtant sont directrices de l’action.
    
Quel décalage abyssal, trouve-t-on parfois chez des hommes d’action, entre le degré de culture religieuse et profane ! Une formation profonde s’impose à tout catholique. L’Eglise se trouve en face d’un monde apostat et païen. Des militants, très catholiques comme vous, ne peuvent ignorer ce qu’est l’Eglise, sa hiérarchie, son sacerdoce, ses dogmes fondamen taux, ses sacrements, sa vie liturgique, les principes de sa doctrine sociale et politique, les points précis d’application de la morale professionnelle. L’ignorance est le plus grand obstacle à toute restauration dans le Christ.
    
Combien attendent sans doute que vous leur découvriez l’Evangile. Dans tous les domaines de la pensée et de l’action, l’intelligence moderne souffre pardessus tout de l’absence de Dieu.
    
Un autre danger menace l’action : l’égoïsme qui paralyse la volonté et brise son élan, qui arrête le rayonnement de l’Eglise dans le monde.
    
L’égoïste dans ce domaine est celui qui vit replié sur soi, sans autre horizon que ses intérêts personnels. C’est le sens de la charité fraternelle qui va à son encontre.
    
Enfin, l’autre danger qui menace l’action, à la fois dans ses sources profondes et dans ses réalisations extérieures, c’est l’activisme : la prédominance indiscrète et incontrôlée de l’activité apparente au détriment des valeurs supérieures de l’âme, ce que Pie XII appelait « L’hérésie de l’action ».
    
Combien en a-t-on vu dans l’histoire de la société, dans l’histoire de l’Eglise, dans l’histoire de cette crise de l’Eglise qui, après s’être donnés à l’excès, connurent bientôt des heures de crise, de lassitude, finalement de dégoût et même de révolte. Pour combien, le résultat final fut un échec cuisant? Les Papes dans l’Eglise ont multiplié avec insistance, leurs aver tissements sur la nécessité d’une formation intellectuelle et spirituelle, recommandant aux hommes d’action, une vie profondément chrétienne de foi et d’amour à la base de leurs activités. La sainteté personnelle restera toujours l’âme de l’apostolat. C’est la loi la plus foncière de l’Evangile.
    
« Demeurez dans mon amour. Sans moi, vous ne pouvez rien».
    
Sans vie intérieure, l’action devient de l’agitation. On s’imagine faire merveille, mais en réalité on s’appauvrit et on court souvent soi-même les pires dangers. Malheur donc à l’action qui ne jaillit pas d’une profonde vie d’amour de Dieu. Quel est donc le levier suprême de toute action féconde ? Le contact avec Dieu. Etre un homme de prière, mais de prière qui nous fait agir.
    
Enfin, les dangers de l’action ne doivent pas cependant nous en faire oublier la grandeur. L’action est une source merveilleuse d’enrichissement et un des moyens les plus rapides pour forger une personnalité. L’exercice continuel de toutes nos facultés, le contrôle méthodique de nos actes, la lutte constante contre les difficultés, la joie de la réussite, la prise de conscience de nos déficiences, de nos limites, mais aussi de notre valeur - sans orgueil -, opèrent en nous un magnifique épanouissement.
    
L’action peut être une école de sainteté, car elle requiert un perpétuel dépassement de soi. Comme la vie contempla tive mais d’une autre manière, l’action exige pour s’épanouir telles les lois propres de sa perfection, l’exercice constant des plus hautes vertus chrétiennes.
    
Elle s’enracine en tous ses actes dans une foi vive, norme de l’action. Elle s’appuie sur Dieu, par une confiance qui grandit avec les difficultés au-delà de tous
les secours humains.
    
L’action exige surtout l’amour le plus pur, le plus désintéressé, celui qui ne vise que la gloire du Père et la conformité à Sa volonté par le don total.
    
Et ainsi de toutes les vertus.
    
Le christianisme possède tout ce qui peut garder les âmes fidèles à l’Amour, au milieu des activités les plus débordantes, sous la motion de plus en plus constante et dominatrice de l’Esprit Saint.
    
Retenez encore ce que saint Paul exprime aux Galates dans une brève et dense formule :
    
« Une foi ardente qui s’épanouit dans le don de soi, sous l’impulsion de la charité ».
    
En clair, des âmes qui brûlent ...
(d’après mes notes de lectures)